Enquête d'Identité
Juin 2018
« Ca n'a pas été facile, miss MacFusty, toutefois après des recherches approfondies et grâce à l'analyse de votre souvenir, nous avons pu la retrouver, » affirma l'homme bedonnant en face d'Alexis, les mains posées sur son ventre. Il posa sa main aux doigts boudinés sur le bord du bureau en cèdre, sur les fines lignes de la planisphère sculpté à même le meuble. Il ouvrit un tiroir après avoir un peu insisté puis donné un coup sur le côté, sans doute pour débloquer le mécanisme d'ouverture, sortant enfin un fin dossier qu'il jeta entre eux.
Alexis se pencha un peu en avant et la chaise grinça sous le changement d'équilibre dans la répartition du poids. Elle n'y prêta pas attention toutefois et se contenta de regarder la chemise beige, l'homme l'ouvrant devant elle.
Il y avait une une photo accrochée à l'aide d'un trombone à l'intérieur et la blonde pouvait voir le visage entre des mèches de cheveux, à l'ombre d'un parapluie. Elle le reconnaîtrait entre mille, elle en était persuadée, alors même qu'elle ne saurait mettre un nom sur le visage. Ou tout du moins, pas un vrai nom.
Elle avait essayé de retrouver la femme qui était venue la voir le jour de son anniversaire, celle dont les yeux portaient un regard si triste sur elle qu'elle pensait voir les profondeurs d'un océan de larmes.
Pia O'Callaghan.
« Elle s'appelle Tara Crowley. Le nom que vous nous aviez donné ne nous a mené nul part – pas au delà d'une vieille ferme abandonnée dans la campagne des Orcades – alors on est parti d'autre chose. Dans votre souvenir vous aviez vu la plaque d'immatriculation, et même si c'était un peu flou, on a pu la retrouver dans des fichiers moldus. Ca a été difficile, je ne vous le cache pas, nous la technologie... mais on a réussi. Je vous laisserai découvrir le détail par vous-même. » La voix était enthousiaste, celle d'un homme qui aimait son métier.
Alexis hocha la tête.
Le nom lui était familier quelque part et faisait écho dans son esprit sans trouver de réponse de l'autre côté de la montagne. Le fossé de ses souvenirs ne semblait pas vouloir se combler pour la laisser passer.
L'homme referma le dossier et le visage qu'Alexis fixait disparu. Ses mains se serrèrent sur la lanière de son sac usé, délavé par le temps et les intempéries qu'il avait vécu, ainsi que quelques aventures de sa jeunesse. La peau de dragon qui constituait le reste du sac se distinguait toutefois par son éclat et son aspect presque écailleux.
«
Merci infiniment. »
Elle eut un sourire reconnaissant vers l'homme et ses yeux bleus un peu plus creusés que d'habitude se posèrent sur lui.
« Je n'ai fait que mon travail mademoiselle. J'espère que vous ferez bon usage de ces informations. »
Il tendit la chemise à Alexis qui l'attrapa et se leva en tendant la main à l'homme. Il la serra et elle se décala du fauteuil pour ouvrir son sac et y mettre le dossier. Après quoi elle sortit une bourse et la posa sur la table dans un son caractéristique de métal se frottant ensemble.
«
La deuxième partie du paiement. »
L'homme hocha la tête et prit la bourse sans regarder ce qu'il y avait précisément dedans,s e contentant de la fourrer dans sa cape de sorcier.
« Ce fut un plaisir de faire affaire avec vous. Bon courage pour la suite. »
Alexis quitta le bureau et descendit une volée de marche avant d'atteindre l'extérieur. Là elle s'arrête sur le côté de la porte, descendant les quelques marches qui menaient à la porte de l'entrée du bâtiment et s'assit pour sortir le dossier. Elle l'ouvrit, son regard s'arrêtant de nouveau sur le visage si singulier de la femme. Elle passa un doigt sur les traits, admirant ce pan de son passé qui resurgissait soudainement – si elle ne se trompait pas. Elle lu ensuite le reste de la fiche, son travail, son lieu d'habitation, un numéro de téléphone.
C'était une sorcière.
Alexis fronça un peu les sourcils et referma le dossier sans regarder le reste. Elle voulait juste la trouver, par fouiller dans sa vie comme quelqu'un soupçonnant sa moitié de le tromper.
Elle le rangea de nouveau et regarda l'heure. D'après les horaires qu'elle avait vu, ce serait bientôt l'heure du déjeuner pour elle. Peut-être aurait-elle le temps...
Elle se leva et d'un pas conquérant se dirigea vers l'entrée des visiteurs du ministère. Elle arriva à la cabine rapidement et essaya de se souvenir ce qu'on lui avait dit à l'ambassade. Alors... Six, deux... quatre, quatre, deux.
La cabine commença à s'enfoncer dans le sol et bientôt la rue disparut pour la blonde qui attendit patiemment. Elle en profita pour rajuster sa tenue : elle portait une veste assez simple faite d'un tissu souple doublé pour tenir un peu chaud et d'un t-shirt à col rond, peut-être un peu décolleté, de couleur anthracite. Ses jambes étaient serré dans un jean simple.
Rapidement elle arriva dans l'atrium et s'arrêta un instant pour observer autour d'elle. Tout dans l'architecture du ministère criait sa grandeur : le marbre noir, les lignes de cheminée, les nombreuses personnes qui allaient et venaient en se bousculant un peu malgré la taille impressionnantes de l'espace. Elle avança d'un pas décidé et s'arrêta devant la statut qui trônait au milieu de la fontaine. Celle-ci avait bien changé depuis l'époque de la Seconde Guerre Sorcière mais ça, Alexis n'en avait aucune idée.
Elle admira la finesse des détails un instant, son regard d'artiste incapable de s'en détacher avant d'être rappelée à l'ordre par le son d'une cloche qui sonnait midi, indiquant la pause déjeuner de la plupart des employés.
Alexis n'avait absolument aucune idée de comment retrouver la femme. Elle était venue dans l'espoir de trouver facilement, mais maintenant qu'elle y pensait... peut-être en demandant à l'accueil ? C'était une idée. Elle allait s'en approcher quand quelque chose attira son attention. L'éclair d'une chevelure brune attira son œil et elle l'observa un instant, son regard appuyant une silhouette des plus charmantes et que – étrangement se dit l'Ecossaise – elle aurait reconnu dans n'importe quelle foule.
Son instinct lui criait de la suivre et elle le fit, pressant le pas et serpentant entre les employés et les visiteurs avant d'enfin arriver à son niveau.
«
Tara ! »
Le nom roulait entre ses lèvres, voulait naturellement, comme une cascade le long des rochers mousseux et lisses. Il avait une saveur toute particulière, la familiarité d'une maison chaleureuse qu'on regagne après des années passées loin.
Ca avait le goût de chez soi.
Son regard resta posé sur elle alors que les mots semblaient lui manquer maintenant qu'elle était face à elle, car soudainement toutes les situations qu'elle s'était imaginé, les conversations joyeuses, douloureuses, longues ou courtes avaient disparues de son esprit.