Juin 2018. Ah les dortoirs ! Effy s'y engouffra avec une joie non dissimulée. Pour une passionnée de Quidditch hyperactive comme elle, et par un si beau temps, on ne s'attendrait pas à la trouver cloîtrée entre quatre murs. Mais justement, les dortoirs présentaient l'inestimable avantage d'être déserts et silencieux en cet après-midi radieux, à cette période post-examens où les élèves s'accordaient enfin à nouveau le droit de se détendre. La jeune fille blonde s'affala sur son lit avec sa délicatesse habituelle.

Si elle n'était pas en train de batifoler dehors, ce n'était cependant certainement pas pour se repose, loin de là ! La petite blonde ne tarda pas à se redresser en position assise. Sa main passa en dessous de son lit, pour en retirer un étui mince et rigide. Son violon. Cela faisait des semaines qu'elle n'avait pas joué. Enfin, pas réellement. A son grand malheur, il y avait eu les révisions, les examens... Tant de chose qu'elle exécrait, et qui l'empêchaient de pratiquer son activité favorite (sinon vitale) : la musique.
C'était marrant, mais de prime abord, il était difficile de l'imaginer avec ce genre d'instrument, en train de jouer on ne savait quel air compliqué de quelque grand compositeur. Mais bon sang ! Imaginaient-ils seulement tous les styles musicaux auxquels il se prêtait !

La petite blonde ouvrit l'étui sans plus tarder, et s'empara de son archet pour le tendre. Puis le manche de son violon, désormais prête à jouer. Apposer l'archet sur les cordes, tirer... Le premier son qui en sortit lui arracha un soupir contrit. Évidemment, ça faisait tellement longtemps que l'instrument était tout désaccordé. Grimaçant, Ef' s'attela à la tâche fastidieuse de raccorder son violon corde par corde. Et dix minutes plus tard recommença. Un instant plus tard, après avoir fait quelques exercices histoire tester la souplesse de ses droits, elle s'était lancée dans une improvisation dont elle avait le secret. Insensible au monde qui l'entourait. Elle était restée trop longtemps sans s'abandonner de la sorte, alors qu'il restait rare de ne pas l'entendre chantonner ou jouer de la musique, le soir. Même Callirrhoé le lui avait fait remarquer, c'était dire !

Effy était tellement emportée par la musique, y mettant tout son cœur et toute sa volonté à oublier les petits tracas du quotidien, qu'elle ne remarqua d'abord pas le changement. C'était dire si elle était peu attentive en cet instant présent. Elle faisait dos à China, ne l'avait donc entendue ni entrer, ni sortir son saxophone. Pourtant, bien vite, son oreille entraînée reconnut les notes rondes et suaves du cuivre. Un mince sourire se dessina sur ses lèvres, pourtant la petite blonde ne risqua pas de regard en arrière. La musique, c'était sacré, et rien ni personne ne devait venir l'interrompre.

Il y eut un moment de flottement. Effy n'était pas vraiment habituée à jouer avec d'autres, quand bien même c'était différent avec China, et ce depuis leur deuxième année. Pourtant, ce n'était pas les musiciens qui manquaient à Poudlard, à croire qu'ils pouvaient fonder leur propre orchestre symphonique (chorale intégrée). Bref. Tout ça pour dire que malgré les quelques occurrences, la Rouge et Or avait ce petit faible, cette petite difficulté à vraiment écouter ce que jouait l'autre pour l'accompagner, l'attendre, équilibrer la musique. Son archet ripa un peu sur les cordes, les doigts de sa main gauche s'agitèrent un peu dans le vide (fallait-il appuyer sur cette corde ou non?) avant qu'elle ne prenne la cadence. Elle accéléra un poil son tempo pour raccrocher à celui de la Summers, ajusta son style sur celui de sa comparse mélomane.
Et puis, comme pour beaucoup de choses avec la musique cela devint magique, les deux instruments se mariant à merveille. Effy en perdit le fil de ce qu'elle était en train de faire, en perdit le fil du temps : c'était ça le truc génial avec les impros, pas besoin de partition, de chef d'orchestre. En fait, elle ne savait même plus si c'était elle qui accompagnait le saxo ou l'inverse. Et puis tout au fond d'elle, la part d'elle-même qui ne pouvait s'empêcher de tout commenter en fond sonore se rendait compte qu'elle était vraiment admirative du style qu'avait China en jouant. Genre, vraiment. Et pour une musicienne fière comme une lionne, ce n'était pas peu dire!

Enfin, Effy finit par plaquer l'accord final sur les cordes (en double-corde s'il vous plaît, ça avait tellement plus de classe!), laissant la saxophoniste conclure si elle voulait prolonger, puis laissa le silence s'installer, un peu indécise quant à la manière de rengager la conversation là dessus. Parce qu'elle n'allait certainement pas partir en rangeant simplement son violon et merci bien-au revoir ! Maintenant, jouer avec quelqu'un de la sorte, en impro qui plus était, c'était un peu s'ouvrir à l'autre tout en dialoguant avec lui d'une toute autre manière. La Gryffondor finit par trancher en faveur de son insolence un brin indolente habituelle. Elle posa l'instrument dans son étui avec mille précautions, puis roula sur le lit pour faire face à sa condisciple. -Jolie impro, Summers ! Lança -t- elle avec malice.