Par quelle magie (jeu de mots !) Dominique Weasley avait-elle décroché un E à sa BUSE de magie des éléments, nul ne le savait. Parce qu'autant être honnête tout de suite : Dominique Weasley était sans doute la fille la moins patiente, méditative, proche de la nature qui se pouvait exister, et d'ailleurs l'ancienne professeure de magie des éléments, qui n'était pas restée dans son cœur, ne lui avait jamais fait le moindre cadeau. Elle en était venue à horripiler cette matière et à attendre avec impatience d'en être débarrassée. Seulement, voilà : ce n'était pas l'atroce professeure qui leur avait fait passer leurs BUSES, mais une examinatrice fort âgée dépêchée par le Ministère. L'occasion pour Domi d'être évaluée plus justement, pensa-t-elle, par une dame assez gentille et vraisemblablement pas moitié aussi exigeante que son ex-enseignante. L'examen lui avait paru étonnamment facile, peut-être se trouvait-elle dans une disposition d'esprit exceptionnelle ce jour-là, peut-être aussi que les tristes événements de l'année l'avaient fait gagner en maturité. Résultat des courses, tous les habitants de la Chaumière aux Coquillages avaient poussé une exclamation d'étonnement en voyant le petit E écrit à l'encre noire sur le bulletin de Domi. Celle-ci, quant à elle, plutôt que de rendre grâces à Merlin pour ce miracle, s'était lamentée de se retrouver avec la vieille harpie à nouveau à la rentrée.

Sauf que, bonne nouvelle numéro un : la vieille harpie (qui était en fait plutôt jeune, mais qu'importait) ne refit pas son apparition. Ô joie ! Et bonne nouvelle numéro deux : le monsieur qui la remplaçait était lui aussi plutôt jeune... plutôt bien fait... Est-ce qu'on avait mentionné que c'était un monsieur ?
Ce fut donc avec un état d'esprit entièrement nouveau, qui pour un peu aurait frisé avec l'obséquiosité, que la belle rousse fit son entrée dans la salle de magie des éléments ce lundi-là. Avant d'ouvrir la porte, elle était encore en train de babiller comme une poule avec ses copines, doublement excitée par la perspective de faire la connaissance d'un nouvel élément du corps professoral — tant de questions brûlantes auxquelles répondre : serait-il gentil ? serait-il bon ? serait-il tolérant envers les bavardages ? quels savoureux ragots pourrait-on trouver à son sujet ? — mais l'ambiance quelque peu solennelle de la salle étonnamment réaménagée — des plantes, un sol de mousse, un brasero, des fenêtres ouvertes... — la fit taire. D'ailleurs, dans l'ignorance du degré de sévérité du nouveau professeur, Domi préférait ne pas troubler ce qui ressemblait à une espèce de transe méditative. Comme la plupart des autres, elle s'installa donc calmement, bien sûr aux côtés de ses amies et regardant avec curiosité le look forestier de l'endroit : ça changeait agréablement des salles de classe austères et ennuyeuses. Il n'y aurait peut-être même pas de notes à prendre, puisqu'il n'y avait pas de tables en vue. Exit, les parchemins couverts d'une écriture paresseuse et occasionnellement ponctués de noms propres atteints de cacographies diverses ? L'idée ne lui déplaisait pas.
Bien que les fenêtres ouvertes fissent entrer de l'air frais de septembre, il planait dans la salle une chaleur surnaturelle, ce qui était tant mieux car il n'aurait fait aucun doute que Domi se serait plainte dans le cas inverse. L'atmosphère puissamment apaisante de la salle lui rappelait irrésistiblement certaine soirée sur l'île d'Anticosti, quand elle avait joué du tambour avec des Amérindiens dans d'étonnantes circonstances. C'était un bon souvenir, bien qu'un peu troublant et malgré la défaite enrageante de l'Angleterre qui avait suivi — et mieux valait passer sous silence les semaines de bouderie intensive et de mauvaise humeur crasse qui avaient suivi. Ces tristes événements étaient derrière eux à présent.

Tout le temps que les élèves arrivèrent, le prof garda les yeux clos. Soudain, lorsque chacun se fut installé à sa place, il ouvrit les yeux et déclara :

— Mettez-vous à l'aise. Je me présente, Cadeyrn Dé Danann. En cours, Cadeyrn suffira.

Cette entrée en matière lui plut, elle sourit même brièvement : un prof qui acceptait de se laisser appeler par son prénom était un prof cool. Qui avait l'air cool, du moins. Elle savait que les apparences étaient trompeuses et que certains profs à l'air jeune et sympa se révélaient quelquefois d'infâmes tortionnaires. N'empêche, jusqu'ici, elle le sentait plutôt bien, ce monsieur, malgré son air un peu distant. Il fallait dire que ses avantages physiques aidaient beaucoup à cette première impression favorable. En attendant, celui-ci s'assit sur ses genoux, ce qui lui fit prendre un peu de hauteur par rapport à tous ses élèves et dut plaire aux éventuels sujets à la nanopabulophobie présents. Il poursuivit en parlant de confession druidique, de nouvelle approche du cours — très bien, n'importe quelle approche lui conviendrait sans doute mieux que la précédente — et les invita à la discussion. Parler ? Domi n'allait pas se gêner ! Enhardie par ses impressions et le sourire encourageant de Dé Danann (comment diable ça s'écrivait ?), la jeune Poufsouffle ouvrit le bal d'une voix un peu trop forte, comme d'habitude :

— L'ancienne prof nous faisait boire des potions, il fallait qu'on mette une goutte de sang dedans, et puis c'était bizarre, y avait des histoires de Quête, mais j'y ai jamais rien compris, c'était d'un chiant ! Oups, pardon pour le gros mot, se reprit-elle, un peu embarrassée — le nouveau prof étant encore inconnu, elle craignait une punition. Euh, on était censé voir des trucs dans nos têtes... Et pour l'élément, y a juste eu une fois où j'ai eu l'impression de me rapprocher de l'air, mais je trouve que le feu c'est pas mal, sinon.

Et voilà, toutes ces informations vitales ayant été transmises, Domi se mit à écouter ses camarades, prête à rebondir sur la moindre déclaration interpellante : elle n'était pas près d'avoir envie d'arrêter de parler...