Jova refusait de coopérer et ma patience atteignait fortement ses limites. Je le portais sous le bras alors qu'il se tortillait dans tous les sens, ma mordillant la main. Je n'étais pas réellement rassuré, il avait la force de m'arracher les doigts, mais je ne pouvais pas faire autrement. Si je prenais le risque de le déposer, il ne manquerait pas de filer en courant entre les jambes des élèves. Je tentais de le rassurer comme je le pouvais, le caressant entre les oreilles, lui donnant les bonbons qu'il adorait, mais rien n'y faisait. Jova avait une peur bleue de Magnolia.

Ce fut un véritable combat que de laisser l'animal chez Magnolia, cette dernière n'avait cessé de grogner. J'avais presque ressenti l'envie de prendre mes jambes à mon cou pour éviter l'affrontement, mais Jova avait fini par se calmer et s'était réfugié dans un coin avec sa peluche dans la gueule. Après avoir signé un "contrat" avec la blonde, j'étais enfin libre. On m'avait gentiment ordonné d'aller réparer des clôtures, heureusement l'ourson n'était plus dans mes pattes. Je fis un détour vers la cabane où étaient planqués mes outils.

J'étais prêt à me mettre au boulot quand mon regard croisa un visage familier, enfin "familier" était un grand mot, mais j'avais vu cette tête quelque part. Il me fallut quelques secondes pour mettre un doigt sur le souvenir en question. Un bref sourire étira mes lèvres, je fis tomber le marteau et fis la chose la plus étrange au monde: Je me mis à courir derrière le professeur. En quelques foulées, je fus à son niveau. "Excusez-moi! Enfin excuse moi, t'es un peu jeune pour être vouvoyé" Un jour j'allais m'en prendre une à être aussi familier avec les autres.

Il s'était arrêté dans sa course et semblait m'attendre, je pouvais déjà voir ses traits durs, comme contrariés. "Tu peux continuer de courir, je sais tenir la cadence" souris-je en passant une main dans mes cheveux, l'air était frais certes mais agréable contre ma nuque. Les quelques élèves qui traînaient dans le coin ne s'attardaient pas à nous regarder, peut-être avaient-ils peur qu'on leur crie dessus ou qu'une crasse ne leur arrive sans prévenir.

Je souris à Cadeynr malgré son air grognon. "Je t'ai vu l'autre jour avec une bête énorme, elle va bien ou ce n'était pas la tienne?" Je n'allais rien faire de mal ou balancer quoique ce soit, après tout j'avais bien un ourson dans ma chambre qui foutait la zizanie dans l'école. J'adorais les animaux et j'étais particulièrement curieux de connaître la race de l'animal de compagnie du professeur.

"Eh non mes clôtures vont très biens, je vais me débrouiller avec" Après tout, c'était mon boulot et au moins ça me faisait bouger un peu. C'était déjà plus agréable que de monter les marches à répétitions à la recherche des saletés laissées par les élèves/  

Il se débrouillait plutôt bien dans sa course, tout restait régulier malgré notre discussion qui pouvait essouffler un novice, la preuve qu'il se plaisait à courir habituellement dans le parc. Pour ma part, le sprot de course comme celui-ci ne me dérangerait pas, mais j'avais quelques problèmes avec l'ennui qui me frappait généralement après quelques minutes. Heureusement pour moi, sa cadence était modérée et je pouvais le suivre sans mal. Ce n'était pas la même chose quand je devais poursuivre un dragon qui se faisait la malle. Le bon vieux temps me manquait parfois. 

Son expression changea quand il apprit finalement le motif de ma venue.Chose plutôt rassurante, je devais l'avouer, je n'aimais pas trop me prendre la tête avec mes collègues. Certains avaient tendance à me prendre de haut lorsque leur métier leur était révélé. Persil, drôle de nom pour un chien. "D'où vient l'idée du nom?" Une question innocente et en rien moqueuse, ma curiosité avait tendance à se manifester par magie, sans que mon cerveau ne puisse agir. Mon souffle trébucha mais reprit rapidement son rythme, je n'avais pas l'habitude de parler en courant.

Un rire franc m'échappa à sa remarque sur la carrure de son compagnon et je lui offris un sourire amusé. "Je ferai attention à garder cette information pour moi." Je laissais passer un groupe d'élèves et mon attention revint sur le professeur. "Je t'ai aperçu un jour avec lui, mais t'en fais pas, je vais pas te balancer à la vieille. Après tout, j'ai bien un ourson dans mon bureau." L'ancien compagnon d'Alexis qui était désormais sous ma protection. Parfois ma meilleure amie me manquait, mais je savais qu'il était impossible de la ramener à mes côtés.

Je fus surpris de le voir bondir comme une gazelle par-dessus une branche. Mes sourcils se froncèrent alors que je continuai de fixer l’obstacle quelques instants. Qu’est-ce que ça fichait là cette chose ? J’étais pourtant sûr d’avoir sécurisé les environs hier. Je grommelai intérieurement, fichues bourrasques de vent qui arrachaient tout durant la nuit. J’étais bon pour recommencer le même boulot tous les jours si je me montrais aussi maniaque qu’hier. Bref, là n’était plus le sujet, ils parlaient de l’animal du professeur et de l’origine de son nom. Surpris, je le fus face à sa réponse des plus originales. Ainsi donc son chien avait choisi de s’appeler de la sorte ? C’était une étrange façon de justifier le prénom de son compagnon poilu, mais c’était une réponse satisfaisante.

Un rire s’échappa de ma gorge. « Les animaux sont très forts pour jouer la comédie, bien plus que les hommes. » La carte de l’innocence, ils l’avaient tous dans leur poche et la dégainait à chaque bêtise faite ou lorsqu’un inconnu apparaissaient dans leur champ de visions. Ils faisaient tout pour bien paraître aux regards étrangers, mais lorsque ces derniers se détournaient de leur personne, ils devenaient les petites boules de poils monstrueuses. Nous poursuivions notre course, improvisée pour ma part, à travers le parc du château. Je pouvais sentir mes talons grincer à force d’entrer en collision avec le cuir particulièrement dur de ma chaussure. Une rasade de potion ce soir et le tour serait joué, je n’allais pas m’inquiéter pour si peu.

J’adressai un geste de la main à quelques élèves avec qui j’avais l’habitude de parler, priant pour qu’une certaine personne ne se trouve pas dans les parages. Mon pardon ne lui était pas encore pardonné et je n’étais pas sûr de pouvoir le faire avant, je ne saurais dire, une éternité. La confiance était quelque chose de sacré pour moi et me faire aboyer dessus de la sorte pour devoir sourire par la suite, très peu pour moi. Je n’étais pas un enfant, il était temps que les gens le comprennent. J’avais tout aussi droit au respect que le reste de mes collègues.

« Alors là ! Longue histoire ! » Mon sourire était presque nostalgique. « Il appartenait à ma meilleure amie, hélas… Je n’ai plus aucune nouvelle depuis des années. Je devais seulement le garder le temps qu’elle revienne. » Sauf qu’elle n’était jamais revenue et j’avais perdu espoir de voir son joli minois revenir. Alexis me manquait tellement, il n’y avait pas une seule journée où j’imaginais ses répliques idiotes dans un coin de ma tête. On avait passé toute notre adolescence ensemble, elle était devenue ma sœur de cœur, mais son trône restait vide. « Et comme Poudlard a bien voulu que je le garde, et bien je dois faire avec ! Ce n’est pas facile tous les jours, mais je fais de mon mieux. »