Jordan fixait pensivement le tableau pendant que la professeure de portion donnait son cours. Aujourd'hui la demoiselle se sentait dissipée et ce n'était pas dans ses habitudes. Qui plus est les cours de potions demandaient plus de délicatesse et d'attention que les autres. Tout devait être précis et calibré au millimètre près. Entre le nombre de tour à effectuer dans tel sens avant de faire l'inverse, le temps précis, la puissance du feu etc. Tellement de détails qui avaient leur importance.

Cependant, aujourd'hui le cours ne demandait que de l'attention. La pratique serait pour un autre jour. Mais même ça, elle n'y arrivait pas. Pourtant ça ne faisait que deux heures que le cours avait commencé, mais la plume avec laquelle la demoiselle jouait semblait plus intéressante. Quand elle s'apprêta à reprendre le fil de ce que disait la maîtresse des potions, la Serdaigle entendit la cloche retentir. Signe évident de la fin du cours. Bonne nouvelle. Mais plus encore, c'était l'heure du repas du midi. Et Merlin seul savait à quel point elle attendait ce repas. Bon les autres pouvaient très bien s'en douter aussi. La demoiselle salivait déjà sur place rien qu'à l'idée du menu qui pourrait être servi.

Il n'y avait qu'un escalier à monter pour arriver à l'étage béni. Et seulement un ou deux couloirs pour atteindre la sacro-sainte grande salle. Néanmoins, ce fut un parcours du combattant que d'arriver à destination. Quelle idée que de lâcher des adolescents affamés comme ça sans surveillance au moment du déjeuner ? Pur suicide collectif, pire que dans une fosse de lions affamés -eux aussi. Quoique c'est probablement ce qu'ils étaient à cet instant. Quel pitoyable spectacle…

Finalement Jo' prit son mal en patience et attendit que le flot continu d'élèves se tarisse un minimum. Bien évidemment, ses amies l'avaient traîtreusement lâchée. Elles s'étaient précipitées probablement avant que le courant soit trop violent. Patience est mère de toutes vertus, apparemment pas des leurs. À se demander laquelle vouait un culte à la nourriture. N'était-ce pas censée être la rousse ? À croire que non.

Après plusieurs minutes la Serdaigle décida que si elle continuait d'attendre elle allait avoir la mort de son estomac sur la conscience. Jordan se précipita donc pour atteindre la grande salle. Cependant, dans son agitation elle ne vit pas que le chemin n'était pas totalement dégagé et cogna assez brutalement quelqu'un. Sous la force du choc, la demoiselle se retrouva les fesses à terre. Ça lui apprendra à ne pas obéir au règlement. Il est interdit de courir dans les couloirs. Maintenant, elle -surtout son postérieur, retiendra la leçon.

Jordan se releva difficilement en jurant, remis son uniforme en place et observa la personne qui était toujours à terre. Puis dans un sursaut de politesse elle tendit sa main pour aider la personne face à elle. « Ça va, pas trop de bobo ? »

Jordan attendit un moment que la personne face à elle réagisse. Un instant qu'elle mit à profit pour la détailler. Ce n'est qu'en voyant la chevelure emmêlée ainsi que les vêtements en désordre, qui n'était pas un uniforme qu'elle chercha qui donc pouvait bien être cette femme.

Ce n'est que lorsque cette dernière, au lieu de répondre à sa question ou de la remercier pour l'aide, commença à la traiter de toucan que la rousse fut mise sur la bonne voie. Elle l'avait déjà vu à de nombreux repas. À la table des professeurs. Et vu l'allure de cette dernière et le discours qu'elle venait de lui tenir, ce devait être la professeur de divination. La Serdaigle se félicita mentalement de ne pas avoir choisi cette obscure option. Rien que de voir la professeure lui faisait douter de l'exactitude de ce qui était enseigné. Quoique à n'en pas douter, certains cours devaient être extrêmement marrant.

Puis finalement, la sixième année aperçu le regard et l'expression émerveillée de sa professeure. Que venait-elle de dire déjà ? Ah oui, que Jo' était un toucan. Elle ne savait pas encore bien comment elle devait le prendre. Ça avait beau être un oiseau, ça n'en faisait pas une insulte pour autant. Là, en tout franchise, la rousse était perplexe. Et puis que les étoiles accomplissent une destinée, non sans façon. Jo' ne croyait pas à un destin tout tracé. Chacun était maître de son avenir. En aucun cas les étoiles, les entrailles d'un poisson ou les feuilles de thé ne pouvaient savoir mieux qu'elle ce qu'elle allait devenir.

Pourtant ce qui l'acheva réellement, ce fut la dernière phrase. Au contraire. Ça n'avait rien de génial. Vraiment. Avoir des rêves, des projets c'était bien, avoir des idées loufoques et être en dehors des normes pourquoi pas. Mais impliquer une tierce personne, non. Ça ce n'était nullement envisageable. Surtout s'il s'agissait de Jordan. Elle n'avait mais alors carrément pas la tête de l'emploi.

La demoiselle se décida tout de même à répondre à l'exubérante professeure. Nul doute que cela allait être fort passionnant pour elle et son toucan. Mais Jo' préférait laisser tomber et aller manger. Du moins, une fois qu'elle serait sûre que cette histoire d'oiseau n'avait rien d'une insulte ou quelque chose du genre. Il fallait se méfier du langage des personnes un peu à part. « Euh… Miss. C'est cool tout ce que vous venez de dire mais… Je ne suis pas un… toucan ? » Cette discussion prenait des airs de vaste blague. Si elle avait été chez les moldus, la jeune fille aurait émis l'hypothèse d'une caméra cachée. À n'en pas douter que sa tête devait être drôle à voir. Elle s'imagina même vaguement avec des plumes et le bec d'un toucan. Si un jour elle ressemble à ça, que quelqu'un l'achève…