Appuyé contre le bureau, la tête profondément incrustée dans ses bras, Evan se laissait bercer par la voix du professeur de Métamorphose. Le cours n’était pas le mieux placé ans son emploi du temps et l’humeur de la journée n’était pas au plus fort. L’air boudeur, Il tourna la tête, observant les autres élèves de son cours. A côté de lui, Leo, forcément, avait le regard intensément fixé vers le professeur. Le niveau de motivation de l’animal dépendait vraiment de son affinité avec la matière. Il redirigea son visage devant lui et fut accueilli par une cascade de cheveux roux. Il pouvait deviner aux mouvements d’épaules de la jeune fille qu’elle devait écrire de façon frénétique. Elle venait d’où, cette passion des Pouffsouffle pour cette matière, exactement?

Il grogna doucement de frustration, laissant son regard suivre les dessins composés par les mèches de cheveux de Victoire sur sa robe. Il était visiblement de mauvaise humeur. Ça avait commencé tôt ce matin, durant la permanence.
Non.
Ça avait commencé le jour de la sortie à Pré-au-Lard. Il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus, mais quelque chose lui avait mis les émotions de travers. Entre ça, le fait qu’il allait bientôt devoir rentrer chez sa grand-mère, les nouvelles de l’avocat de ses parents qui n’étaient pas les meilleures non plus…Perdu dans ses pensées, il commença instinctivement  à jouer avec les cheveux de Victoire, les faisant tourner autour de son doigt. Il sursauta au cri de surprise de la jolie rousse, se moqua en riant de l’expression de carlin pris dans les phares de Leo qui ne s’attendait pas au cri de Victoire et n’essaya même pas de débattre avec le professeur, s’excusant juste vaguement de son comportement. Il n’avait juste pas envie, aujourd’hui. Tout ce qu’il voulait, c’était..du calme. Sortir de la salle de classe.

Il releva les yeux vers Victoire, qui essayait discrètement de s’excuser au près de Leo pour l’avoir surpris et réalisa ce dont il avait besoin. Il déchira un petit bout de parchemin et gribouilla férocement dessus, ignorant les regards un peu inquiets de son voisin. Il roula la boulette et la fit atterrir discrètement devant la jolie rousse.

Aujourd’hui n’était pas un jour à chien. Aujourd’hui était clairement un jour à biche.

Désolé...Pas moral
Forêt? G vu bébé faon la derniere X

Il attendit patiemment la réponse de son amie, dessinant des petits bambis clairement transgéniques sur son parchemin. La fin du cours arriva, et, sachant que la jeune fille arriverait plus tard, il fonça directement vers le parc. L’air frais lui pinça les joues comme une vieille grand-mère à l’église - argh, assez des mentions de grands-mères bigotes, les fêtes de fin d’année arrivaient assez vite comme ça! - et, enfouissant son nez dans son écharpe, il traversa le parc vers l’est, en direction de la lisière de la forêt. Le duo avait l’habitude de se retrouver dans un petit renfoncement  à l’entrée de la forêt, une sorte de clairière étrangement ignorée du reste de l’école. Certainement que l’interdiction de s’approcher de la Forêt Interdite y était pour quelque chose…

Arrivé à destination, Evan poussa un profond soupir. Il n’avait jamais su vraiment dire pourquoi mais...Cet endroit précis le calmait. Un peu comme un sanctuaire où cette partie de lui qui avait besoin de calme se ressourçait. Il observa les alentours, confirmant que personne n’était à proximité. De très lointains échos lui parvinrent mais rien de plus envahissant. L’adolescent se retourna vers la Forêt et commença à ramasser quelques branches. Il forma ensuite un tas qu’il entoura de pierres et lança un sortilège de flammes, avant de s’asseoir sur un des petits rochers à proximité du feu, attendant que Victoire arrive.

L’adolescent regardait en direction du château, guettant l’arrivée de son amie. Enfin...Regarder dans le vide, laissant des pensées confuses danser dans son esprit serait une façon plus correcte de décrire la scène. Il soupira, agitant d’un sort les braises de son feu. Son regard se perdit encore un instant dans les flammes, suffisamment longtemps pour qu’il remarque à la dernière minute la personne qui se dirigeait vers lui. Son corps se raidit, prêt à éteindre le feu et s’éloigner mais l’écharpe qu’il aperçut le rassura vite. Victoire arrivait en trottant et il ne put s’empêcher de sourire. Elle ressemblait à un pseudo-ninja, toute camouflée comme ça. Il se décala un peu, continuant à agiter les braises doucement pour entretenir le feu. Il la laissa s’installer près de lui, sans un mot. La question de la jeune fille dessina un léger sourire sur ses lèvres. Elle allait droit au but. C’est exactement ce dont il avait besoin.

Il laissa sa tête tomber doucement contre l’épaule de son amie avec un soupir. La chaleur qui rayonnait de Victoire était douce, comme si les petites mèches cuivrées, dépassant à peine de son manteau, étaient faites de flammèches.

Il ne savait même pas par où commencer. Est-ce qu’il y avait seulement quelque part où commencer. Comme disait sa grand-mère, il avait de quoi manger, un toit et l’oreille du Seigneur. Il y préférait clairement l’oreille, toute rougie par le froid, de Victoire, mais bon, ça restait une oreille prête à l’écouter. Il entrouvrit les lèvres, se préparant à répondre...autant commencer doucement.

“C’est bientôt les vacances. J’ai aucune envie de rentrer...”

L’adolescent s'arrêta, hésitant. Un moineau, petite boule de plume boursouflée, se posa soudain près du feu. Il sautilla autour, cherchant à voir si les deux adolescents allait éventuellement laisser s’échapper des miettes. Evan se redressa, appuyant ses avant-bras sur ses jambes, frottant ses doigts l’un contre l’autre pour attirer l’oiseau, qui s’envola bien vite. Aucun intérêt pour lui de rester si près du sol, alors qu’il pouvait être libre.

Être libre.

Le serpentard tourna à nouveau la tête vers Victoire, le visage triste et sombre. Elle savait. Elle était l’une des rares personnes à savoir pour ses parents. Il avait toujours trouvé ça un peu ironique, prenant en compte l’histoire de leurs parents respectifs. Mais c’était venu simplement, au cours d’une discussion, ici-même. Ils avaient parlé des parents de Victoire, de la guerre, des mages noirs, de la fermeture d’Azkaban. Elle lui avait posé des questions sur l’Azkaban moldu. Il lui avait expliqué le fonctionnement des prisons avec une facilité qui l’avait lui-même déconcertée. A y faire des visites depuis bientôt 10 ans, il avait fini par comprendre le système.

Il se racla la gorge, un peu noué par l’émotion, en jouant avec les pierres sur le sol avec sa baguette, dans une tentative de nonchalance ratée avant même d’avoir commencé.

“Je pourrai même pas aller voir mes parents, cette année. Y a eu un ‘nouvelle info’ concernant leur affaire. Ça a énervé ma mère, elle a fait bordel. Ils l’ont consignée pour les fêtes.”

Il termina sa phrase sur un sifflement de désapprobation envers les forces de l’ordre, la justice moldue et l’immaturité de sa mère. L’avocat de ses parents ne s’était pas trop étendu dans sa lettre mais cette nouvelle arrivait étrangement au bon moment pour contrer la demande de réduction de peine pour bonne conduite qu’ils avaient demandés. Quelqu’un de la bande avait joué les balances pour sauver sa pomme. Il avait encore la sensation de la feuille qui se froissait entre ses doigts, lorsqu’il avait récupéré la lettre à la poste de Pré-au-Lard. Ça ne changeait rien, au final. 19 ans de prison ou une remise de peine de 4 ans, au final, quelle différence? Il ne fêterait pas son anniversaire avec ses parents une année encore. Pas de quoi en faire un drame. Il avait mis ça de côté, autant que possible.

Mais il fallait se rendre à l’évidence : il n’était qu’humain. Il sentit sa conviction s’effriter doucement et des larmes de rage lui monter aux yeux.

Merde.