Le calme était revenu dans la salle de classe d’astronomie de Poudlard. Les derniers élèves venaient de sortir, laissant une étrange atmosphère dans l’air, comme le calme apparent qui suit un orage d’été. Un visiteur pénétrant dans la pièce serait immédiatement frappé par le calme nimbé de mystères qui y régnait. Les murs étaient sombres, peints d'une couleur bleu nuit profonde, parsemés de constellations scintillantes qui brillaient d’une douce lueur argentée. La lumière tamisée, provenant de lanternes suspendues au plafond, renforçait l’impression de calme. Des tables et des chaises en bois sombre étaient installés pour permettre aux élèves de travailler. Un large bureau, fait du même matériau que les tables estudiantines, leur faisait face. Une cathèdre permettait au professeur de s’installer et, d’un œil sévère, de garder sous surveillance les jeunes sorciers qui étudiaient. Derrière ce bureau, un vaste tableau à craie, sur lequel se trouvaient encore les restes mal effacés de constellations dessinées par le titulaire de la chaire, avait été installé. Des étagères recouvraient le pourtour de la salle. Dessus, reposaient des parchemins vierges, des ouvrages de toutes sortes, manuels généraux traitant d’astronomie comme des études plus spécialisés, ainsi que plusieurs astrolabes. Plusieurs sphères armillaires, de taille variable, occupaient l’espace. D’autres machines, semblables aux sphères, représentaient en trois dimensions certaines constellations étaient également présentes. Le sol de la salle de classe est recouvert d'un tapis épais et sombre, représentant une carte du ciel étoilé.

Cette pièce se trouvait presque au sommet de la tour d’astronomie, la plus haute tour du château. Presque au sommet car, en effet, un escalier en colimaçon, qui naissait à partir du mur ouest de la pièce, menait à une seconde salle. Celle-ci, point le plus haut du château, était ouverte aux quatre vents. Des piliers, formant des arcs en plein cintre, soutenaient la toiture de la tour. Une rambarde en fer forgé courait tout autour de la pièce de façon à éviter les accidents. À intervalles réguliers, des télescopes en laiton, supportés par un tripode en ébène, étaient positionnés pour permettre l’observation du ciel étoilé. Au centre de cette salle, un ingénieux mécanisme supportait une immense sphère représentant le mouvement des astres.

Le calme, disions-nous, était revenu dans la salle de classe. L’enseignant était encore installé à son bureau, rangeant ses notes. En le regardant de plus près, l’on observait un homme d’âge moyen, de stature et corpulence également moyennes. Né à Londres en décembre 1983, notre homme était âgé de 39 ans. Les cheveux bruns et les yeux clairs, la barbe bien taillée, il était vêtu d’un pantalon de costume anthracite, avec un gilet et une cravate de la même couleur. Celle-ci était portée sur une chemise blanche à légers motifs. Ce n’était pas une veste de costume qui compétait l’ensemble mais un autre gilet, un cardigan épais et à grosses mailles, gris clair.

L’homme qui le portait se nommait Silas Judicaël Avery. Avery, un nom lourd à porter dans ces décennies qui suivaient la chute du Seigneur des Ténèbres. La famille Avery était l’une des vingt-huit familles de Sang-Pur du monde magique britannique. Depuis plusieurs générations, cette lignée s’était distinguée par son adhésion sans faille aux théories suprémacistes des Mangemorts et de leur maître. Les Avery avaient compté dans leurs rangs plusieurs séides de Voldemort. Sans remonter jusqu’aux origines, probablement situées dans la Normandie du XIème siècle, mentionnons le grand-père de notre professeur d’Astronomie, un certain Tobias Avery Sr. Né en 1924, il fut un contemporain de Jedusor, né, lui, en 1926. Il tomba rapidement sous l’influence du sorcier et devint un de ses fidèles. Tobias Avery Sr., connu sous le nom d’Avery I, se maria et eut trois enfants.

Le premier, un garçon, reçut le même nom que son père : Tobias Avery Jr., parfois appelé Avery II pour le différencier de son paternel. Tobias Avery Jr., né en 1959, fut à l’image de son père. Prétentieux, hautain et méprisant, il était convaincu de la suprématie de son sang et de ceux des Sang-Pur. À Poudlard, il étudia au sein de la maison Serpentard. Là, il se lia d’amitié avec d’autres élèves de sa génération, dont Severus Rogue. Lily Potter reprochait d’ailleurs cette fréquentation à son ami. En effet, Avery II n’était guère, dès son adolescence, une personne fréquentable. Doté d’un humour cruel - euphémisme pour décrire un individu profondément sadique - Avery II faisait l’étalage de ses idéaux conservateurs. À la suite de son père, Tobias Avery Jr. devint un Mangemort. Après la première chute du Seigneur noir, Avery II se défendit d’avoir été un vrai Mangemort, arguant qu’il avait été sous le contrôle du sortilège de l’Imperium. C’était un mensonge, bien sûr, mais il lui évita d’être envoyé à Azkaban. Jusqu’au retour de Voldemort, il ne le chercha jamais. C’est sous la menace qu’il répondit à son appel, lorsque le Seigneur des Ténèbres revint au cours d’une sombre cérémonie dans le cimetière de Little Hangleton. Suppliant misérablement pour être pardonné pour son manque de loyauté, Avery II subit, des mains rancunières de son maître, le sortilège Doloris. Dans les faits, le père comme le fils furent toujours regardés comme des serviteurs peu efficaces de Voldemort. Jamais ils ne se démarquèrent pas quelques coups d’éclats au service de leur maître. Pis, Avery II conseilla maladroitement le Seigneur sombre à propos de la Prophétie concernant Harry Potter, en 1995. La défaite finale de Voldemort sonna le glas de la triste existence d’Avery II. Arrêté après la bataille de Poudlard, il fut jugé et, cette fois-ci, aucun mensonge ne lui évita l’emprisonnement.

Tobias Jr. n’était pas le seul enfant de Tobias Sr. Une fille naquit peu de temps après, en 1961, nommée Cassandra. Conformément à la pratique, elle fut mariée à une autre famille de Sang-Pur, les Lestrange. Elle épousa ainsi Rabastan Lestrange. Dernier des enfants, Marcus Avery vit le jour en 1962. D’une nature plus réservée et d’une constitution plus fragile que son frère, Marcus ne correspondait pas vraiment à l’idéal sang-pur. Souvent malade et solitaire de tempérament, il semblait être un garçon trop doux et trop rêveur. Son frère ainé, Tobias Jr., le martyrisait souvent, manifestant ainsi sur son propre sang son sadisme et sa méchanceté. Tobias Sr. craignait que le comportement de son cadet ne le conduise à être envoyé par le choixpeau à Poufsouffle. Un Poufsouffle chez les Avery ? C’eut été impensable. Alors, pour éviter cela et endurcir son fils, Tobias Sr. obtint l’autorisation de l’envoyer à Durmstrang. Leur mère ne s’y opposa pas. Plus lucide que son époux, elle comprit que cet éloignement pourrait permettre à Marcus d’échapper aux griffes destructrices de son puiné. À Durmstrang, Marcus s’endurcit effectivement. Il se révéla bon élève et même excellent joueur de Quidditch. De quoi rendre fier le patriarche Avery. C’est lors d’un retour en Angleterre, pendant les vacances, qu’il rencontra Martha Rosier. Ils finirent par se marier à la fin de leurs études. Politiquement, s’il ne devint jamais un Mangemort, Marcus se garda toute sa vie de critiquer Voldemort. Véritable anguille, il parvint à naviguer entre les eaux tapageuses de ces années sombres. Plutôt intéressé par la perspective de s’enrichir, Marcus Avery avait fini par se lancer dans le commerce de composants de baguettes. Ses liens avec les sorciers de l’Est de l’Europe lui permirent de monter une petite affaire d’import-export d’ingrédients magiques qui, bon an mal an, prospéra. En somme, Marcus n’était guère avide de politique, préférant largement le profit et amasser des richesses. Dans le fonds, il était intimement persuadé de la supériorité des Sang-Pur. Il avait néanmoins compris qu’il valait mieux taire ses convictions pour ne pas gêner sa petite entreprise. Le couple partageait son temps entre Londres et une maison secondaire. Marcus et Martha avaient en effet acheté une petite demeure sur la côte de Cornouailles où, l’été, ils faisaient du bateau. En 2018, ils moururent au cours d’un banal accident de navigation. Leur embarcation sombra après une mauvaise manœuvre sur une mer un peu trop agitée.

Le couple avait cependant eu deux enfants : un garçon et une fille. Le garçon, l’aîné, né en décembre 1983, se nommait Silas Avery. Silas était donc l’héritier de la lignée ; son oncle Tobias Jr. n’avait pas d’enfant et ne semblait pas proche de sortir d’Azkaban. C’était cependant un héritier par défaut, fils d’un cadet longtemps suspecté d’être trop tendre. Silas ne pouvait pas dire qu’il n’avait pas reçu de l’attention de la part de ses parents. Ces derniers avaient-ils espéré que Silas prenne la suite de l’affaire familiale ? L’on ne saurait le dire. Toujours est-il que l’aisance financière de cette branche cadette des Avery permit à Silas et sa sœur cadette de ne manquer de rien. Ils reçurent une éducation de qualité et, très tôt, furent sensibilisés à l’importance du rang, de la bienséance et, surtout, à ne jamais faire montre de ses sentiments. Les enfants manifestèrent assez tôt des capacités magiques, ce qui posa la question du lieu de leur apprentissage. Devaient-ils se rendre à Durmstrang, comme Marcus avant eux ? Leur mère, Martha, s’y opposa avec virulence. Poudlard lui semblait être un établissement de qualité. Pourquoi donc envoyer les enfants aussi loin, entre les lacs et les montagnes du Septentrion. Un compromis fut trouvé : Silas alla à Durmstrang et sa sœur à Poudlard. Le frère et la sœur, malgré la distance, conservèrent une certaine proximité et une tendresse mutuelle. La famille ne parlait pas souvent d’Avery II, le plus connu, à vrai dire, des Avery. Silas ne l’avait que très peu rencontré et, à présent qu’il était en prison, n’avait pas la moindre envie de nouer un quelconque contact.

À la différence de son père, Silas ne devint pas un brillant joueur de Quidditch. Il appréciait ce sport sans vraiment le pratiquer. C’est aussi durant ces années que son caractère se forgea. Silas cultiva l’impassibilité que lui avait enseigné ses parents. Il ne se détacha non plus jamais du sentiment de supériorité qui lui avait été inculqué.. À Durmstrang, Silas fut un bon élève, appliqué et consciencieux. Il excella dans ce qui allait devenir son métier par la suite : l’astronomie. Durmstrang était situé au Nord de l’Europe, là où le ciel se dégage parfois et laisse, par certaines nuits glaciales, entrapercevoir des aurores boréales.

Ces nuits sont d'un noir profond et le silence règne en maître. Les vastes étendues septentrionales s'étendent à perte de vue, avec des montagnes majestueuses, des forêts sombres et des lacs paisibles. Soudain, une lueur mystérieuse commence à apparaître dans le ciel. Au début, c'est juste une légère teinte verte qui danse timidement parmi les étoiles. Puis, lentement, la lumière prend de l'ampleur. Des voiles chatoyants de couleur verte, parfois rose, violet, ou même bleu, commencent à onduler dans l'obscurité. Ces lumières célestes semblent vivantes, comme si elles avaient une volonté propre. Elles dansent et tourbillonnent avec grâce, créant des motifs complexes et changeants. Elles illuminent le paysage avec une intensité surnaturelle, projetant des reflets éthérés sur la neige et la glace environnantes.

Comment le jeune sorcier n’aurait-il pas pu, alors, être émerveillé par un tel spectacle ? C’est au cours d’une de ces nuits qu’une conviction naquit : il étudierait le ciel. À la fin de ses études, il ne rentra pas en Grande-Bretagne. Il choisit de partir voyager pour observer le ciel, le cartographier et en apprendre plus. L’on trouve ainsi la trace de Silas en Scandinavie, dans les Îles Féroé, au Chili, en Nouvelle-Zélande ou encore au Pays-de-Galles. Ces voyages avaient contribué à renforcer sa connaissance de l’astronomie, mais aussi sa nature solitaire. Un lieu avait, plus que tous les autres, eut une importance déterminante : Uagadou. Cette école de magie, située au cœur des montagnes de la Lune, en Afrique, était spécialisée dans l’étude des astres. Silas y effectua de nombreux séjours, tant pour observer le ciel que pour discuter avec les éminents spécialistes qui s’y trouvaient ou consulter la riche bibliothèque de l’établissement.

De ces voyages et observations, Silas avait noirci plusieurs carnets de notes et de dessins. Poussé par des enseignants de Uagadou, il décida de les publier, chez lui, en Angleterre. L’ouvrage fut publié sous le nom Les Secrets Célestes. Voyages Magiques à travers les Étoiles. Il s’agissait d’un récit scientifique en deux volumes de ses voyages. De nombreuses illustrations, schémas et cartes parcouraient les pages. Silas avait tenu à les dessiner lui-même, sur la base des croquis de ses carnets. Le livre lui assura une petite célébrité qui lui permit de retourner séjourner plusieurs années à Uagadou puis à Durmstrang, où il assura quelques cours. À Durmstrang, il fréquenta un temps une sorcière d'origine norvégienne. Un mariage fut même envisagé au cours des années 2000. Finalement, les noces n'eurent pas lieu. La faute incombait sans doute à Silas, trop souvent absent et trop peu attentionné. La mort accidentelle de ces parents le poussa à revenir en Grande-Bretagne, d'autant plus qu'il n'avait plus d'attache dans l'Est, le mariage ayant été annulé. L’héritage du couple Avery aurait pu suffire à financer ces voyages. Seulement, Silas aspirait alors à plus de quiétude et à trouver un endroit calme et stimulant pour rédiger la suite de son œuvre.

C’est donc tout naturellement qu’il fit acte de candidature pour la chaire d’astronomie au sein de l’école de Poudlard. Aurora Sinistra partait à la retraite et il lui fallait un remplaçant. Silas fut choisi et, à la rentrée suivante, il entrait pour la première fois dans cette si célèbre institution. L’astronomie était une matière complexe. D’une part car elle nécessitait un grand sens de l’observation et, d’autre part, car elle n’avait a priori rien de magique. Les moldus étudiaient eux aussi les astres. Or, comme l’avait répété une illustre professeur d’astronomie de la fin du XIXème siècle, de nombreux phénomènes magiques s’expliquaient pourtant par les phénomènes célestes. Il s’agissait, pour les élèves, autant de comprendre le fonctionnement du ciel que son influence, pour ce que l’on en sait, sur la vie magique.

En parallèle, le succès de sa première étude avait grandement intéressé son éditeur. Ce dernier lui avait proposé de rédiger un nouveau manuel d’astronomie, à destination des élèves de Poudlard, voire de plus loin. Pour l’éditeur, l’intérêt était bien sûr économique : les élèves, s’ils n’avaient pas l’obligation d’acheter un manuel d’astronomie, le faisaient souvent. C’était donc l’assurance d’avoir, chaque année, des ventes. La langue de ce manuel, qui n’était pas encore terminé, devait être moins savante que dans le premier ouvrage de Silas. Le Narrateur que nous sommes se doit d’être objectif : en dépit d’innombrables qualités, Les Secrets Célestes. Voyages Magiques à travers les Étoiles était un livre parfois difficile à lire. Certains passages – nous le concédons – n’avaient pas de quoi attiser la curiosité des lecteurs novices. Ainsi la vingtaine de pages sur l’influence supposée d’un satellite de Jupiter sur la croissance des Strangulots…

Mais, alors que nous narrons l’histoire de Silas Avery, portons un instant notre regard à nouveau vers la salle d’astronomie. Silas venait de terminer de ranger ses affaires. Il traversa la pièce et sortit. Après avoir pris soin de fermer la porte derrière lui, il descendit les marches de la tour d’astronomie. Direction, le parc. Il avait bien besoin d’une petite balade avant, ce soir, de sortir son carnet pour croquer quelques bribes de la voute étoilée.