C'était simplement une matinée d'août, pas encore chaude, le vent serpentant entre les rayons de soleil. Le silence était de temps à autre percé par les piaillements des oiseaux et des enfants. Dans la boutique d'Eristre, en revanche, le silence n'était pas présent : les bruits de scie dans une plaque d'hêtre emplissaient la pièce. Ensuite, ce fut celui d'un ciseau à bois frappé par un marteau, puis celui de divers sorts d'assemblage. Pour faire simple, c'était une matinée normale à Pré-au-Lard.



Lorsque le coucou magico-mécanique sortit de sa maison pour annoncer les dix heures, la recette du pain perdu et les dernières nouvelles du monde magique, Rhodwise sortit de l'atelier, les bras chargés de cartons pleins d'objets divers et variés, commandes, créations de la semaine ou réparations, tous prêts à aller à la vente, flambants neufs ou remis comme tels. Marcher les quelques mètres chargée comme tel n'était pas facile, mais l'idée d'utiliser la magie lui était complètement passée par-dessus la tête. Finalement, elle se résolut à les poser sur le pavé puis à les porter un à un jusqu'à la Derviche et Bang : la force n'était pas avec elle ce matin-là.



Au bout de quelques allers-retours, à mi-besogne, Eristre s'assit sur l'un des colis, sur le porche  de l'atelier, reprenant son souffle. Elle observa les passants. Celui-là, en vert, était un vieux sorcier qu'elle connaissait bien, toujours prêt à gratter des mornilles sur tout ce qu'il achetait. D'un signe de tête, elle salua une voisine, et d'un signe de main, une bande de fêtards des Trois Balais encore sonnés par leur soirée de la veille. L'odeur de la coupe de Quidditch flottaient dans l'air : beaucoup d'enfants portaient des écharpes en l'honneur de leur équipe favorite (alors que, oui, on était en août), toutes les gazettes étaient couvertes de silhouettes de joueurs braves et agiles à la poursuite d'un souaffle ou frappant de toutes leur forces un cognard. La fabricante ne tenait pas particulièrement le quidditch dans son cœur, mais il fallait avouer qu'il était une belle source de discussions autour d'une bièreaubeurre, le soir entre amis.



Alors qu'elle allait se remettre au travail, Rhodwise remarqua une figure se distinguant des autres : un homme, assez carré, pas bien grand, jeune, chargé de valises. Immédiatement, elle le reconnut.



« Luc McCarter ? Mais quel vent t'amène ici ?  Tu n'étais pas en tour du monde, toi ? »

« Eristre, c'est toi!! Purée ça faisait longtemps!! J'ai finis mon tour du monde il y'a un an et c'était on ne peut plus passionnant. Quel bon vent m'amène, et ben j'vais à nouveau à Poudlard. »



Ces mots aiguisèrent la curiosité de la commerçante. « Aller de nouveau à Poudlard », le brillant McCarter irait repasser ses BUSES ? A moins qu'il ait aussi été enrôlé là-bas. Elle connaissait déjà de nombreuses personnes qui y avaient été embauché, ces dernières années : à priori, Poudlard renouvelait ses profs.



— Hum, laisse-moi deviner... t'as été embauché ? Tu vas y faire une conférence ?



Eristre reprit un colis et alla le mettre dans sa boutique, tout en continuant de discuter avec son ami.



— Mais quand même, toi, prof ? Une vie sans rugby ? A enseigner aux gamins ? Fais attention quand même, ils peuvent être super énervants ! 'Fin tu te souviens comment on était à leur âge, j'crois... Tu te souviens du nombre hallucinant de trucs qui étaient cassés ou perdus chaque jour, non ?



Rhodwise chargea un carton sur chaque épaule, fit quelque pas, s'engouffra dans Derviche et Bang durant une petite minute, en ressortit puis reprit :



— Mais donc, tu as pris quel poste ? Vol sur balais ? Sports magiques ? Etude des moldus ? Laisse-moi deviner... un truc à propos des pratiques magiques à travers le monde ? T'façon, tu peux potentiellement tout faire, n'est-ce pas ?



Sur ces mots, Eristre lâcha un sourire. Luc, cet ancien Serdaigle, avait toujours été un élève modèle, fort érudit, n'ayant que très peu de lacunes. Son retour à Poudlard n'était pas si incroyable que ça, au fond : ceux qui ont le plus de savoir préfèrent souvent l'inculquer à d'autres au lieu de l'utiliser eux-mêmes ou se le garder pour eux.