Quelquefois, quand il en avait assez de ses contemporains, Lawrence aimait s’isoler. Marcher longtemps n’était pas possible à-cause de ses douleurs à la jambe, alors il enjambait une moto bien moldue, et il prenait la route. Il s’en allait alors dans la lande et passait plusieurs jours complètement seuls. Il avait des provisions, une tente magique qui lui permettait de cuisiner et de dormir comme dans un petit chalet de campagne et l’envie de solitude assouvie, c’était tout simplement parfait. Il n’avait besoin de rien de plus pour se ressourcer. Les autres êtres humains, quelle plaie c’était ! Il n’avait pas envie de les croiser pendant ses congés.

Cette fois, il s’était dirigé dans un coin inédit de la lande, un coin qu’il ne connaissait pas du tout. Il allait complètement découvrir le coin pendant quelques jours et ensuite, il retournerait à la civilisation et à ces patients grognons et ses collègues incompétents. En attendant, il filait sur le chemin, avec rien autour de lui que la nature à des kilomètres. Il n’y avait rien, il n’y avait personne, et il serait bien tranquille. Du moins, c’était ce qu’il pensait. Mais soudain, quand il vit fondre sur lui un gigantesque Occamy il ne comprit pas pendant un instant, mais eut l’instinct de lever sa baguette.

« Protego ! »

La créature se heurta au bouclier, ce qui ne sembla pas lui plaire car elle secoua la tête. Elle repartit un peu en arrière et Lawrence prit le temps d’immobiliser sa moto avant de contempler l’Occamy décrire des cercles. Il était prêt à réagir si jamais il revenait dans sa direction, de façon menançante, mais ce n’était pas le plus dangereux des animaux magiques. Il se demandait cependant ce que faisait là un Occamy, loin de toute réserve et à une telle distance de son milieu naturel. Il aperçut une forme humaine au loin qui avançait dans cette direction et soupira. Rien ne lui serait épargné, même s’il était en vacances, il allait devoir frayer avec des gens.

« Par le caleçon de Merlin, mais que se passe-t-il par ici ? »

Il est rare que Phelan doive se déplacer lui-même dans une des réserves qui permettent d’accueillir temporairement les créatures de son trafic. Une sorte de lieu transit avant que les clients ne reçoivent les créatures demandées. Mais aujourd’hui, il a dû s’y rendre car un client d’une grande importance a désiré visiter la réserve. Il ne peut pas déléguer car c’est un patriarche d’une des familles de sang-pur indienne. Un accès direct à cette zone du monde pour étendre son trafic si les affaires se passent comme Phelan le désire. Il doit donc absolument négocier en personne et ne peut confier cette tâche d’une haute importance à personne. Il a donc prévenu sa femme de son absence pour quelques jours et il a fait en sorte que ses affaires soient préparées. Il a donc transplané dans la réserve en avance et a inspecté afin que tout soit absolument parfait. Les employés de la réserve préfèrent largement quand il n’est pas là car il se montre pointilleux sur le moindre détail. Il exige la perfection à tous les endroits et n’hésite pas à recadrer de manière sévère dès que cela ne va pas dans le sens qu’il décide. Autant dire que personne ne bronche et tout le monde rêve du moment où cette visite sera finie.

Il décide d’inspecter les alentours de la réserve à la recherche d’un cadre idéal de négociation. Lui trouve cela très futile mais il sait que son client est un amateur de panorama impressionnant et qu’il sera plus enclin à accepter de signer le contrat dans un tel cadre. Il se met donc à la recherche d’un tel lieu. Il est à environ deux kilomètres de la réserve quand il entend un sortilège qui a été lancé. Il s’approche et observe qu’une créature magique semble s’être enfui. Les employés vont en entendre parler pendant très longtemps. Mais ce qui lui cause le plus de problème est l’autre personne présente. Quelqu’un que malheureusement il connait et avec qui il a dû travailler récemment. Cela n’a pas été très concluant et a juste confirmé tout le mépris qu’il ressent à son égard. Il va devoir l’éloigner de là afin de permettre aux employés de la réserve de récupérer la créature sans éveiller ses soupçons. Il s’avance en gardant une expression totalement neutre. Cela ne surprendra pas car il ne montre jamais ce qu’il ressent. Toujours cette apparence très froide et hautaine. Une fois à une distance raisonnable, il s’adressa à lui. « Vous avez des soucis ? Besoin d’aide ? » De son ton perle une légère condescendance qu’il laisse passer. Il n’a nullement l’intention de s’embarrasser dans des politesses. Il doit juste régler ce souci le plus rapidement possible

Il ne suffisait pas d’être attaqué par une créature sauvage, un autre sauvage s’en venait à l’horizon. Un être humain. Il n’y avait rien de plus nocif pour le moral de Lawrence que la rencontre avec un membre de sa propre espèce. A quelques exceptions près, ils étaient juste une belle bande de rigolos en jupette. D’ailleurs, la tenue traditionnelle du sorcier n’était pas vraiment dans les goûts du médicomage, qui préférait une tenue plus moldue, y-compris pour assurer ses consultations. Voilà une autre des choses qui ne plaisaient pas à ses supérieurs hiérarchiques, il fallait bien le reconnaître. Mais il s’en moquait.

L’individu approchant, une nouvelle grimace se dessina sur le visage de Lawrence. Il ne suffisait que ce soit un membre de la race humaine. Il fallait que c’en soit un de la pire espèce. Si on lui avait demandé de dresser la liste des personnes qu’il ne voulait surtout pas croiser pendant ses vacances, Phelan Yaxley aurait été tout en haut de la liste. Il fallait bien reconnaître que les activités les plus ennuyeuses de son quotidien actuellement étaient entièrement de la faute de cet individu. Et bien entendu, il arrivait là avec son air pédant comme s’il était là pour faire une immense faveur à Lawrence. Saleté de bourge.

« Yaxley ? C’est bizarre, j’aurais pas cru que vous aimiez tellement marcher. Parce qu’à moins qu’il y est une de vos fêtes de snob dans le coin, je me demande ce vous pouvez bien trafiquer au milieu de nulle part. »

Il n’aurait pu deviner à quel point le mot trafiquer était si efficacement employé et à la limite, il s’en moquait. Il aurait juste voulu ne pas avoir à affronter deux bêtes inutiles en même temps. Quoique, un Oxccamy, cela pouvait encore servir à quelque chose. Il doutait que Yaxley le lui avouerait s’il avait maille à partir dans la soudaine apparition de la créature ailée, mais pour le moment, il était le seul semblant d’allié qui se trouvait dans le paysage, et Lawrence ne pouvait pas cracher dessus. En plus, cracher sur Yaxley lui vaudrait certainement quelques heures de colle, pardon de consultation, supplémentaires.

« Est-ce que vous connaissez cette créature ? Vous avez la moindre idée de ce qu’elle fiche là ? Ou de ce l’endroit où il faudrait la ramener ? »

Il ne savait pas pourquoi mais il avait le sentiment que ce type n’allait pas pouvoir faire grand-chose pour lui venir en aide. Les sang-purs, c’était bien beau pour parader mais quant il fallait agir, en général, il n’y avait plus personne.

Le croiser ici est certainement une des choses qu’il n’espérait pas. Il ne peut pas dire que cela soit déplaisant car cela viendrait accorder un quelconque intérêt à cet individu qui n’en a aucun. C’est comme un moustique accroché à sa botte. Aucun intérêt en réalité mais il serait mieux de pouvoir s’en passer. Surtout quand une des créatures est en cavalcade à cause de l’incompétence d’un subalterne. Créature qui a choisi évidemment d’aller rendre visite à celui responsable du rhume de Phelan. Il a payé les conséquences en se retrouvant contraint de mener des consultations. Pour le plus grand plaisir de Phelan qui lui a simplement dû rester chez lui. “Parce que vous ici ce n’est pas bizarre? Avec votre canne, vous sembliez déjà bien en difficulté pour marcher sur le sol plat de Sainte Mangouste”. Phelan ne répond pas à sa question sur les raisons de sa présence. Cela ne le regarde tout simplement pas. Il ne va pas être réduit à se justifier à un être inférieur. Il ne lui dit pas évidemment. La nécessité de lisser son discours. Un mal nécessaire afin de pouvoir gravir les échellons.

Il n’allait pas pouvoir lui faire croire que l’oxccamy est une créature du coin. C’est un idiot mais pas à ce point. Malgré son mépris, Phelan ne sous-estime personne. Il l’interroge sur la créature. Phelan repère du coin de l’oeil un signe de son employé. Des sons imitant celui d’un pic vert. Un oiseau typîque du coin donc aucune différence n’est perceptible par Lawrence. Phelan lui reconnaît le message. C’est lui qui a mis en place ces moyens de communication afin de pouvoir toujours avoir un moyen de passer les messages en toute discrétion. Il a obligé tous ses collaborateurs à les apprendre par coeur. Il se place un instant dans le champ de vision de Lawrence. Entre la créature et cet être inférieur. Juste assez pour camoufler un instant l’animal et que ses employés puissent agir. “De quelle créature parlez vous? Je ne vois rien du tout. Vous devriez consulter, vous semblez sérieusement atteint”. Il s’est tourné en disant cela, se décalant et montrant que la créature semble avoir disparu.

Lawrence pouvait apprécier les joutes verbales. En témoignait sa relation avec Kali. Mais il se serait bien passé de ce genre d'exercice avec cet individu odieux qu’était Phelan Yaxley. À l'idée de le retrouver au beau milieu de ses vacances, il avait envie de vomir. Mais il était là et il n'y avait plus qu'à composer avec lui. Ce qui le dérangeait tout particulièrement, c'était que sa présence à cet endroit ne ressemblait pas à quelque chose de naturel. Il était tout à fait persuadé que ce n'était pas un homme à faire des randonnées et qu'il ne viendrait pas aussi loin de la civilisation sans y être contraint par quelque chose. Il n'avait seulement aucune idée de ce que ça pouvait être.

A sa réflexion, il indiqua de la tête la moto qui était encore à quelques pas. Elle au moins pouvait justifier de sa présence dans les lieux. Et cela demeurait une justification que Yaxley n'avait pas. Lawrence aurait pu se montrer particulièrement soupçonneux, mais il avait déjà compris que l'attaquer de front n'était pas une bonne idée. Il en avait déjà fait les frais et il avait bien fait assez de consultations pour l'année entière. Il n'était pas question de recommencer à l'agacer suffisamment pour qu'il en arrive à se plaindre à nouveau. Il y avait des limites.

« C'est à ça que ça sert, les motos. Vous ne devez pas connaître, je suppose. Trop moldu pour vous. »

Pendant un instant, Yaxley dissimula la bestiole aux yeux de Lawrence. Mais il n'était pas assez idiot pour penser qu'il avait la berlue ou qu'il s'était trompé. Il était persuadé que le sang-pur avait fait disparaître l'animal d'une manière ou d'une autre, Mais il lui était évidemment impossible de le prouver. Il n'y avait plus une solution pour découvrir ce qu’il mijotait, c'était de noyer le poisson et d'essayer de découvrir lui-même d'où venait la créature. Dans tous les cas, il savait qu'il pourrait avertir le gamin Weasley. Charlie travaillait avec des dragons et il lui en devait une. Et de toute façon, si c'était louche et que ça concernait les créatures magiques, il allait vouloir il jetait un œil.

« Etrange… elle a dû se cacher quelque part. Espérons pour elle qu'elle ait retrouvé sa maison et qu’elle ne s’en aille pas mettre le bazar ailleurs. Vous voulez que je vous raccompagne ? » demanda t-il en désignant la moto de la tête.