L'année se terminait définitivement et dans le château c'était l'effervescence. Adossé au muret de la cour de l'école, Adriel regardait les élèves courir dans tous les sens avec un certain pincement au cœur. Saluant certains élèves, le professeur aida aussi certains plus jeunes à porter leurs valises jusqu'au hall d'entrée. La plupart étaient enchantés mais certains visages renfrognés attiraient l'attention du professeur. Ce dernier essaya d'ailleurs d'écouter la conversation de deux jeunes terreurs (non les élèves n'étaient pas les seuls à les surnommer ainsi) mais les petits bonhommes s'exprimaient dans la langue de Goethe et il ne comprenait rien si ce n'était des noms et peut-être certains lieux qu'il connaissait. Bref. Il aurait fait un piètre espion.

Soupirant, le barbu professeur se dirigea alors vers le hall sans trop savoir que faire. A l'heure où certains professeurs étaient aussi en rush de bouclage de valises, les siennes étaient déjà prêtes depuis longtemps et il se sentait encore plus mal que les autres années de dépendre des Diggory pour avoir un toit de sa tête. Peut-être devrait-il se louer un appartement ? Peut-être...Mais il y serait encore plus seul et puis ce dernier serait vide les trois quart de l'année... Ou alors il pourrait loger au Chaudron Baveur, ce serait pas un mauvais plan ça...

En attendant, la vision de son fils lui tordit le cœur et il ne put s'empêcher de se diriger vers ce dernier qui grimaça légèrement et fit signe à ses amis de partir devant. « Newton... » commença t-il un peu maladroitement sans trop savoir que dire maintenant qu'il se trouvait face à son fils qui le surplombait légèrement. Ce dernier semblait d'ailleurs ennuyé de cette confrontation qui devait bien être la centième depuis le début de la semaine. Ainsi soupira t-il en croisant les bras avant de lancer un « Oui ?... » qui était plus blasé qu'interrogateur.

Super. Adriel avait l'impression de faire que des mauvais pas avec Newton. Depuis le début. Depuis le tout début. Il avait rendu sa mère enceinte après une soirée trop alcoolisée et cette dernière était décédée en lui donnant naissance. Mais ça, Adriel n'avait jamais réussi à lui avouer dans sa totalité. Et voici que désormais, ce dernier quittait Poudlard et partait pour la terre natale d'Adriel, rencontrer les autres Morrison. La preuve qu'Adriel avait définitivement tout foiré avec lui.

Se raclant la gorge, le professeur tenta de reprendre contenance avant de reprendre la parole. « Euh... je venais voir si tout allait bien. Tu es toujours certain de vouloir partir aux États-Unis ? »

Cette fois ci, la mine contrariée de Newton lui fit clairement comprendre qu'il aurait du se taire. Son ton commençait d'ailleurs à s'échauffer alors qu'il avait fait instinctivement un pas en arrière pour tenter de clore la discussion. « Écoute P'pa...on en a déjà parlé plein de fois. Je suis certain et tout se passera bien... Puis si ça se fait tu pourra les revoir aussi ainsi ! »

Les revoir... Il devait être bien naïf. Il ne voulait plus les revoir. De toute façon, il allait vite comprendre.. Très vite sans doute. Malheureusement. « J'espère que tu ne fais pas ça pour moi... » Il préférait lui signaler, comme dans un dernier espoir qu'il face marche arrière. Mais c'était peine perdue. Cette fois ci, le regard de Newton était devenu soudainement froid alors qu'un léger rictus apparaissait sur ses lèvres. « Tracasse pas. Y a pas de risque vu l'enthousiasme que tu as à chaque fois qu'on parle d'eux. » Lui lança t-il d'un ton sec et claquant. « Bon. Si tu le permet, on a prévu de faire un rapide tour à Pré-au-Lard avant le départ donc je vais te dire au revoir. Remet mon bonjour à tout le monde et s'il te plaît...s'il te plaît... n'inonde pas la poste américaine avec tes lettres. » Il n'attendit même pas de réponse qu'il tourna les talons à Adriel qui resta stoïque sur le parvis. Autour de lui l'effervescence continuait et ce ne fut que la voix claironnante de Magnolia qui le tira de sa torpeur. Pas une pas deux, le professeur se dirigea vers cette dernière, sans sourire pour une fois.

« Besoin d'aide Miss McCandless ? »

Lui en aurait bien eu besoin...

Adriel fronça légèrement les sourcils en voyant sa future collègue sursauter. Il lui trouvait un air soucieux mais après tout peut-être était-ce simplement lié à la cohue de la fin de l'année. Adriel, lors de ses années à Ilvermorny, avait toujours cette sensation d'oublier quelque chose qui le mettait dans un état d'anxiété incroyable alors qu'il retrouvait finalement toujours toutes ses affaires à temps. Ou alors c'était peut-être parce qu'elle allait être son assistante l'année suivante. Quoiqu'il en soit, Adriel lui fit un léger sourire rassurant avant de hocher la tête.

« Oui. Vous savez depuis les années je crois que je pourrais presque laisser mes affaires à Poudlard que cela ne dérangerait pas... D'ailleurs je vous avoue que c'est le cas pour mon bureau. » En effet, il ne déplaçait que ce dont il avait besoin. De toute façon, il était toujours possible de s'arranger avec Minerva pour venir durant l'été... Surtout quand on avait des animaux dont il fallait s'occuper. Adriel passait ainsi régulièrement au château durant les grandes vacances même si le calme qu'il y régnait le mettait toujours mal à l'aise. Ainsi ne déplaçait t-il pas tout son matériel. Il était même certain, qu'il en laisserait à ses remplaçants, en l'occurrence à Magnolia.

La question de la jeune serpentard lui arracha une grimace. Charlie... Il ne l'avait déjà pas vue au banquet la veille. La jeune demoiselle se renfermait. Le professeur était bien placé pour le savoir. Depuis la mort de Lexie, la serdaigle n'était plus la même. Adriel avait bien essayé de l'aider mais... elle refusait son aide. Pouvait-il vraiment la blâmer ?

Secouant la tête négativement, le professeur observa les alentours en espérant les apercevoir mais ce n'était pas le cas. « Non... d'ailleurs Charlie n'était pas au banquet hier soir. » Baissant la voix en se rapprochant de la serdaigle, le professeur continua « Je vous avoue qu'elle m'inquiète depuis la mort de Lexie. Elle ne s'en remet pas. Peut-être devriez-vous essayer de la voir durant les vacances... ». En réalité Adriel avait peur. Terriblement peur.

L'état de Charlie lui rappelait sa propre tristesse. Il ignorait le lien qu'il existait entre Charlie et Lexie mais de toute évidences, les jeunes filles étaient proches. Trop proche pour que la serdaigle s'en sorte seule à ses yeux.

Et il savait où ça pouvait mener pour être passer par là.
Sa hantise était donc qu'elle profite d'être sortie du château pour mettre fin à ses jours.

Il ne se le pardonnerait pas.

Secouant la tête pour chasser ses pensées, Adriel repris la parole brusquement. « Je peux vous aider à les trouver si vous voulez. » Histoire d'être certain qu'elle allait bien.

Son absence commençait vraiment à l'inquiéter.