C’était une matinée brumeuse, calme et silencieuse. Il ne neigeait pas mais la gelée s’accrochait tant aux brins d’herbe et aux arbres qu’elle donnait l’impression d’avoir succédé à une joyeuse tombée de flocons blancs. Le soleil se voyait à peine derrière les nuages à la fois grisonnants et blanchâtres, semblables au crayonné désinvolte d’un artiste à la recherche d’inspiration. L’air était un peu frais mais supportable, et les senteurs automnales se mélangeaient agréablement à la sensation de renouveau qui me gagnait au fur et à mesure que je me rapprochais de mon lieu de travail, de mon rêve. Vingt-trois ans. Je n’avais plus foulé le sol de Poudlard depuis près de vingt-trois ans. L’époque de mes études paraissait si loin… Pourtant, rien ne semblait avoir changé depuis mon départ. Le château demeurait toujours le même, haut et majestueux, sombre mais élégant. Le sommet des plus hautes tours était caché par le brouillard, leur donnant l’air de s’élever à l’infini, permettant ainsi à mon imagination de s’éloigner vers une multitude de croyances et merveilles inconnues.
Quand j’entrai dans le hall, amenant avec moi la brise matinale et quelques feuilles rouge-orangées d’érable frôler le sol de pierre, j’eus l’étrange sensation de me sentir chez moi et, en même temps, d’être totalement perdu. J’avais passé sept ans ici à travailler dur pour avoir mes diplômes et apprécier le loisir de pouvoir travailler davantage ma matière préférée, celle que j’allais désormais enseigner à partir d’aujourd’hui. N’étant arrivé que très tôt ce matin en ce début de mois de novembre, je n’avais pas eu l’occasion d’être présenté au premier festin de l’année. Mais j’imaginais que la directrice se chargerait de me faire connaître dès ce soir – car je ne comptais pas rejoindre le corps enseignant à table à midi. Je ne me sentais pas vraiment prêt à côtoyer mes collègues tout de suite. J’espérais qu’ils comprendraient…
Si je me souvenais bien, les cours de Divination s’étaient toujours déroulés dans l’une des tours du septième étage. S’y trouvaient également le bureau que j’occuperais en dehors de mes heures de travail, et le coin personnel dont je me servirais pour dormir. L’ascension fut longue et assez éprouvante, surtout en parcourant l’escalier en colimaçon qui menait jusqu’en haut de la tour dans laquelle je passerais le plus clair de mon temps. En arrivant à destination, complètement essoufflé, je me dis qu’il aurait mieux valu que je continue le sport pour rester en forme. Car à présent, j’avais surtout l’air d’un pauvre grand-père en manque d’air et de forces. Heureusement que ma valise flottait derrière moi à l’aide de la magie, sinon je n’aurais pas pu parcourir tout ce chemin en la tirant à bout de bras. J’allai la poser dans ma chambre, revins dans mon bureau, le parcourus d’un regard fier. Enfin ! J’occupais enfin le poste que je rêvais d’avoir depuis toujours ! Surexcité, je me rendis dans la salle de classe en forme d’amphithéâtre, étroite mais confortable que je partagerais bientôt avec mes élèves, et m’arrêtai en son centre pour l’observer en tournant sur moi-même. Il me faudrait changer la déco. Les différentes plantes et objets bizarres qui pendaient au plafond ne m’intéressaient pas vraiment. Ce manque de goût avait été la seule chose que je reprochais à mon ancien professeur. Il fallait dire que je n’en étais pas doté d’un meilleur puisque ma propre vision des choses se résumait à quelque chose de plus simple, manquant même un peu de personnalité. Mais tant pis, j’améliorerais cela dans les prochains jours.
Pour le moment, en attendant que mes premiers élèves arrivent – et espérant qu’ils pensent à venir car ils n’étaient déjà pas très nombreux à avoir choisi ce cours en option – je décidai de faire un minimum de nettoyage pour donner à cette salle un aspect plus présentable. J’usai donc de la magie pour ranger les objets qui pendaient au plafond dans une malle, les remplaçant par quelques bougies flottantes pour donner un peu plus de lumière à l’ensemble. Il avait toujours fait assez sombre ici à cause des petites fenêtres. Et si cela plaisait à mon ancien professeur, souvent désireux de nous rappeler que l’obscurité nous permettait de mieux percer nos talents divinatoires, je n’étais pas vraiment du même avis car je trouvais justement qu’une pièce sombre avait un côté plus effrayant et somnolant qu’attirant et porteur d’idées lumineuses. Et contrairement à ce qu’il croyait, je n’avais jamais eu de problème concernant mon travail, que ce soit dans n’importe quel type de pièce. D’accord, ma façon de faire avait quelque chose d’assez égoïste et prétentieux. Cependant, j’étais prêt à m’adapter au ressenti de mes élèves afin qu’ils se sentent les plus à l’aise possible durant mon cours.
J’ouvrais les rideaux poussiéreux au moment où les premiers élèves entrèrent, leur envoyant la lumière du jour en plein visage, réveillant les moins matinaux et surprenant les plus rêveurs. J'ignorais s'ils allaient être étonnés de me voir vêtu façon moldu, c'est-à-dire d'un costard-cravate habituel quand je voulais faire bonne impression la première fois, au lieu des fameuses capes et robes de sorciers que je n'aimais pas vraiment.