Il était difficile d'éduquer un ourson surtout quand ce dernier se montrait trop curieux et ne rêvait que d'une chose: Me faire vivre un enfer. Je ne regrettais pas de l'avoir adopté, mais seulement de l'avoir fait venir au château. Ma vie manquait de prendre fin chaque jour, soit il se perdait dans les escaliers ensorcelés, soit il s'aventurait dans les salles de cours. Heureusement, il n'avait pas encore tenté de pénétrer dans celle d'Olivia. Déjà que c'était gênant de base, mais à ce niveau, je préférais m'enterrer.
Mais là n'était plus le sujet. Je faisais mon sale boulot dans les tours quand des voix d'élèves se firent entendre. Un simple coup d'oeil par le carreau avait suffit à comprendre tout cet engouement. Il y avait un monstre poilu qui gambadait joyeusement dans le parc. J'avais offert un magnifique balai à un cinquième année qui passait par-là et avais dévaler une bonne centaine de marche. Si Jova continuait comme ça, il allait finir par se faire expulser du château.
J'arrivais enfin, essoufflé comme un bœuf, au niveau de l'orée des bois. L'ourson sautait tout autour des créatures et je sortis ma baguette, prêt à l'envoyer valser dans un tas de feuilles mortes. Mais mon regard fut attiré par une silhouette familière et j'eus un regard désolé pour mon compagnon. Magnolia n'allait pas y aller de main morte. "Cours pour ta vie Jovaaaaaaa !"
Caressant le plumage noir de jais de Lucifer, je soupire en me perdant, encore et encore, dans mes pensées. Tout ça s'est produit hier et je m'en triture les méninges depuis ce matin. J’espérais que m'occuper des créatures du château me changerait les idées et m'éviterais d'y songer, mais..? Je me suis de toute évidence trompée. Il me suffit d'une seconde à ne rien faire pour que l'image de ce qu'il s'est passé la veille ne resurgisse dans mon esprit. Une petite seconde d'ennui et pouf ! Olivia est là pour me hanter. J'expire. Pour la énième fois. J'expire. Je lance de la viande dans cet enclôt vide à mes yeux innocents de toute vision funeste. C'est captivant et morbide de voir ces morceaux se faire déchiqueter par du "rien". Les sombrals doivent être beaux à voir. Adriel les adore. Toutefois, je ne peux pas vraiment dire que je l'envie. Après tout... Les conditions permettant de percevoir ces bêtes sont quelque peu sinistres. Je ne peux pas souhaiter croiser la route de la grande faucheuse pour avoir la chance et le privilège d'admirer ces étalons de la mort.
Une douleur aussi vive que soudaine m'extirpe de cette drôle de contemplation et de cette lutte acharnée contre mes souvenirs encore tout frais d'hier. Une morsure ? Muscles crispés, tout comme ma mâchoire serrée, je baisse les yeux pour voir une boule de poils me grignoter la main. Lucifer lui croassant dessus comme un pitbull enragé. ... Putain d'ours.
Je secoue violemment la main pour lui faire lâcher prise alors qu'un cri retentit derrière moi. Un cri venant d'une personne dont je me serais bien passé de la présence, pour le coup. Non pas que je n'aime pas le concierge de l'école, bien au contraire. Mais... Justement... C'est parce que je l'apprécie que je ne voulais pas le voir. Par rapport à ma petite aventure d'hier soir. Ahlala... Mon dieu... S'il venait à savoir... Il me truciderait. Il en est fou, de cette aguicheuse de latina. Graaaaah ! Olivia ! Pourquoi on s'est égaré comme ça ?!... - ADRIAN AZAROV ! Beuglais-je comme une demeuré en manquant de quelque centimètre son animal de compagnie (le mieux que j'ai à faire, c'est de procéder comme si de rien était. Comme si je n'étais pas gênée de sa présence. Heureusement que je suis une reine de l'impassibilité... Dieu merci que je sois une Serpentard !). Tant mieux pour lui. Mes coups de savates sont précis et douloureux, en général. J'VAIS LE NOYER TON TEDDY BEAR A LA NOIX DE TROLL DES CAVERNES !
Alors que le petit ourson tentait désespérément de se carapater, je l'agrippe fermement par la peau du cou. Il couine et je roule du regard. - Toi tu vas finir sur le bûcher, un jour. Sale petit lutin morveux. Et j't'en pris, joue pas le pleurnichard. Tous les bébés animaux s'font porter par la peau du cou par leur maman. Je ne crois pas en tes larmes de strangulots. La bête grogne tout en pleurnichant. - Comme c'est mignon ! Bébé ours veut jouer le fier devant plus fort que lui.. C'est moi le prédateur ici, pas toi, crevette. Je finis par le lâcher, il s'enfuit derrière son propriétaire. Je me gratte l'arrière du crâne, exaspérée. - Navrée pour avoir brusqué de la sorte ton p'tit bébé, mais 1) je ne suis pas dans mon meilleur jour 2) t'as qu'à apprendre à dresser ta p'tite merdouille. Il va réellement finir par t'attirer des ennuis avec McGo.
Me raclant la gorge d'un air las et agacé, je jauge du regard mon collègue. Je ne remarque même pas que je me mordille nerveusement l'intérieur de la joue, de façon coupable. Car c'est ce que je suis, coupable. Du moins c'est comme ça que je me sens... Bien que je sois tentée de dire que c'est la faute d'Olivia si nous sommes passées d'amie à... Très grosse proximité d'un soir. - Sinon... Qu'est-ce que tu fiches là ? La serpillière c'est dans les couloirs, pas dans les jardins, l'ami.
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